Amélioration de la qualité de l’air : un enjeu environnemental qui creuse les inégalités sociales


AUTEURS : SÉVERINE DEGUEN, WAHIDA KIHAL (CNRS) & PAULINE VASSEUR (PMI)

Depuis les années 1970, la lutte contre la pollution de l'air s'est imposée comme une priorité environnementale, avec l’adoption de lois, plans d’action et politiques publiques à différentes échelles. En France, cette dynamique s’est traduite notamment par la mise en place des Plans Nationaux Santé-Environnement (PNSE) tous les cinq ans depuis 2004, déclinés en Plans Régionaux Santé-Environnement (PRSE). Ces stratégies mobilisent acteurs publics, collectivités et administrations pour réduire la pollution de l’air à travers des mesures ciblant les transports, le résidentiel et l’industrie.

Des politiques environnementales aux effets contrastés sur la qualité de l’air

De nombreuses interventions ont été déployées en France et à l'international pour réduire la pollution de l'air, avec des méthodes d'évaluation variées avant et après leur mise en œuvre. Les schémas d'études épidémiologiques, tels que les études avant-après, contrôlées ou non, sont couramment utilisés pour évaluer l'efficacité des interventions sur la qualité de l'air et la santé. Cependant, les résultats de ces évaluations sont souvent sujets à des biais et présentent un niveau de preuve variable, rendant difficile une conclusion globale sur leur efficacité. D'autres méthodes d'évaluation, telles que l'Évaluation Environnementale (EE), l'Évaluation d'Impact sur la Santé (EIS) et les Évaluations Quantitatives d'Impact Sanitaire (EQIS), sont également utilisées pour anticiper les effets des interventions sur la santé et l'environnement.

De nombreuses interventions environnementales ont vu le jour, aussi bien en France qu’à l’étranger, visant à améliorer la qualité de l'air :

  • Zones à Faibles Émissions (ZFE)

  • Péages urbains

  • Normes sur les carburants et les chauffages résidentiels

  • Conversion énergétique dans l’industrie

Les mesures contre la pollution de l'air peuvent accentuer les inégalités sociales

Alors même que les politiques publiques visent à améliorer le cadre de vie et la santé des populations, certaines mesures environnementales renforcent involontairement les inégalités sociales de santé.

Par exemple :

  • Les ZFE ou péages urbains peuvent restreindre l'accès à certaines zones pour les personnes à faibles revenus, qui n’ont pas les moyens de renouveler leur véhicule.

  • Les restrictions de circulation peuvent compliquer l'accès à l'emploi, aux soins ou aux transports en commun pour les foyers modestes.

  • Les réductions d’émissions industrielles, bien que bénéfiques sur le plan environnemental, peuvent fragiliser les régions économiquement dépendantes de certains secteurs, accentuant la précarité.

Ainsi, ces politiques peuvent indirectement creuser les écarts de santé et de conditions de vie entre populations vulnérables et favorisées, si les dimensions sociales ne sont pas intégrées dès la conception des actions.

Vers une transition écologique équitable

Pour garantir une transition écologique juste et inclusive, il est impératif que les décideurs publics intègrent une approche d’équité sociale dans la planification des politiques environnementales. Cela implique :

  • L’évaluation systématique de l’impact social des mesures

  • L’adaptation des politiques aux réalités locales et aux publics les plus exposés

  • L’accompagnement des ménages précaires dans le changement (aides financières, rénovation thermique, accès à une mobilité durable)

L’enjeu est double : préserver la santé publique tout en réduisant les inégalités sociales, et non les renforcer. Une politique environnementale efficace est avant tout une politique socialement juste, pensée pour bénéficier à tous.

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Le cumul d’expositions environnementales, un enjeu de recherche en santé publique